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NADAL (NOEL POUR LES GENS D’OIL)

                               

En cette période des fêtes de la nativité, notre chroniqueur, Michel Vialla nous montre que la nostalgie est toujours ce qu’elle devrait être . Ce récit est tellement véridique qu’il sent le vécu et il n’en faudrait pas beaucoup pour que l’on imagine une histoire familiale du type : « mon arrière-grand père (que l’on appellera Nanou)  nous racontait les soirs de veillée… »

Pour celles et ceux qui ne parlent pas l’occitan couramment, la traduction est fournie par l’auteur.

 

 

                                                                                       NADAL

L’aprocha de Nadal nos emplinaba de joia. Escotaben cada ser las campanas en fèsta sonar l’angélus en cantan. Lo carilhou tan gai nos enairabe, é sautaben, é cantaben, pintats d’espèr coma las campanas.
A la velhada, nos saraben al tor d’un ascla de castanhèr que brandada en delargan un isam de petegas coma de bigals. E a l’esclaira del fuoc que jitaba sor las parets de granda sombras misteriosas, cantabem Nadalet!
Moun païre é ma maïre, en palan de castanhas, cantaban totes dos. Cantaban los Nadalets que tenian de los maïres o de los meminas. Los venguet pas à l’idéia, un cop, de cantar los cantiques d’aduéi, en frenchiman! Es pas que no ne sachèsan per aco. Mas los autres, sols, devian parlar à lor cor e lor amas quicon de maï dos. Cantaban, el de sa vost esclèta coma cantaban los pastres, abant que la pudisina de Paris venguésa amudir nostras campanhas. Se reprenian et se corrajaban, é répétaban en acordi los versets per que n’aütres los auprenguèsem. Aquelas paraulas, aquela musica tan simplota, tan dosa, sentiam al prigon de la meulhas nostre èsse s’estrementir: nostre cor s’inagaba d’amor, é nostre ama s’envolaba al cèl: L’Anja Gabriel anonsèt à Maria: « Vierja onorapla, Ieu veni vos anonsar:  Lo filh de Dieu vos cal portar.». E lo ser de Matinas, can venia l’ora de partir dins los camins rebeluts, ont la néü asocaba als esclops, erem maï uroses qu’à las nosas del Réi. Une fé poderosa nos afogaba, érem inagats del mistéri divenc et volabem din l’alégria Nadalenca…. Aïtal devian caminar los pastres de Galiléia cap al estaple de Betléem.
Tota la parroquia esclopejaba dins aquela nioch santa, las campanas al cloquier trelhonaban, pertot beluga, calelhas é brandons.
Los omes cantaban « Les anges dans nos campagnes….», é otras canticas de festa que volaban é rebombisian; tot aco menat de man de mèstre per un curat musician et cantaïre coma pas un sus mila. Amb aco paraulas plan rimada, aquela musica plan reclada, valian pas nostres Nadalets: devalaban pas coma elès al trefon del alma ont y a quicon de divenc que fremesis. Mas se, per bonur, cauque cop, aquel san curat à l’ama artistica, ne métia cauq’un al programo, aléra podiatz veire lo miraclo de la lenga d’Oc: los que sabian pas cantar s’amodaban, los que sabian pas prégar s’enairaban à Dieu, los qu’adoraban sentian el lum maravilhoso de l’ama reviscolada!

NOËL

L’arrivée de Noël nous emplissait de joie. Tous les soirs, on écoutait les cloches émerveillées sonner l’Angelus en chantant. Ce carillon si joyeux nous émerveillait, et nous bondissions, nous chantions, remplis du même espoir que les cloches. A la veillée, nous nous réunissions autour d’une souche de châtaignier qui brûlait en jetant des gerbes d’étincelles comme des éclairs. Illuminés par le feu qui projetait sur les murs de grandes ombres mystérieuses, nous chantions Noël. Mon père et ma mère, en pelant des châtaignes, chantaient tous les deux. Ils chantaient les Noëls que leur avaient enseignés leurs mères et leurs grands-mères. Il ne leur serait pas venu à l’esprit, une seule fois, de chanter ces cantiques anciens en français! Ce n’est pas qu’ils ne les connaissaient pas, mais ceux-là seuls parlaient à leurs cœurs et à leurs âmes avec quelque chose en plus. Ils chantaient, lui de sa voix rugueuse comme chantaient les bergers, avant que la pollution francimane ne vienne altérer er nos campagnes. Ils s’aidaient et se corrigeaient, répétant d’un même accord les paroles pour que nous les apprenions. Avec ces paroles, cette musique si simple, si douce, nous sentions le tréfonds de notre être frissonner: notre cœur s’emplissait d’amour et notre âme montait au ciel :  L’Ange Gabriel annonçait à Marie: « Vierge honorable, je viens vous annoncer: il vous faut porter le Fils de Dieu». Et le soir de la Messe, quand venait l’heure de prendre ces chemins perdus, où la neige collait aux sabots, nous étions plus heureux qu’au mariage  du Roi. Une foi puissante nous étreignait, nous étions plongés dans le Divin Mystère et l’allégresse de Noël. Ainsi devaient cheminer les bergers de Galilée en route vers l’étable de Bethléem. Dans cette Saint Nuit, tous les paroissiens cheminaient, les cloches tintaient. Partout des flambeaux et des lanternes… Les hommes chantaient «Les anges dans nos campagnes…», et d’autres cantiques qui volaient et rebondissaient, le tout mené de main de maître par un curé musicien et chanteur comme pas un sur mille. Mais ces couplets si bien rimés, ces musiques si bien réglées ne valaient pas nos Noëls: ils n’atteignaient pas comme eux le tréfonds de nos âmes où le divin frémit. Mais si, par bonheur une fois, ce saint curé à l’âme artistique en mettait un au programme, alors vous pourriez comprendre le miracle de la Langue d’Oc : ceux qui ne savent pas chanter s’y mettent, ceux qui ne savent pas prier se confient à Dieu  et ressentent la lumière merveilleuse de leur âme ragaillardie.

 

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